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immun 1-02 : Immunité non spécifique et barrières de l'organisme

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objectifs pédagogiques (*) ------------------courte Présentation du cours immun02 YouTube---------------------

- décrire les principales barrières immunes non spécifiques : barrières permanentes et inductibles..
- définir la flore commensale et décrire son rôle dans l'immunité; lister les zones septiques et aseptiques de l'organisme
- définir et décrire succinctement les mécanismes de la fièvre et de l'inflammation
- décrire la phagocytose et sa signification biologique
- décrire les principales propriétés et les effets des interférons de type I

définitions générales - messages

barrières immunes (mécanismes de l'immunité non spécifique) = mécanismes de défense qui sont actifs très rapidement dans les tissus en réponse à une agression. On parle d’immunité non spécifique car la réaction est similaire même contre des agressions différentes (tableau1 : principales barrières de l'organisme, fig1 : principales barrières de l'immunité non spécifique chez le chien, fig1b : blocage des particules inhalés selon leur taille). Ces barrières :
- limitent la colonisation des surfaces et l'invasion tissulaire par les micro-organismes, les parasites et les fungi
- détruisent les microbes sensibles (enzymes destructrices de la paroi gram+..)
- éliminent ou rejettent les corps étrangers (poussières, échardes..)
flore commensale = ensemble complexe de bactéries et protozoaires commensaux, acquis dès la naissance, qui colonisent la peau et une grande partie des muqueuses. La flore commensale joue un rôle majeur dans la digestion et les équilibres des épithélium (pH, biofilm, synthèse de vitamine, digestion de la cellulose..), mais elle assure aussi un rôle très important dans le contrôle des infections et la régulation de l'immunité (fig2 : flore digestive, fig3 : rôle de barrière de la flore commensale, tableau2 : caractéristiques de la flore commensale).
La flore commensale est caractéristique de chaque espèce, et dépendante de facteurs tels que l'alimentation; elle est maintenue en équilibre par des mécanismes internes et par les barrières permanentes de l'organisme. Sa composition précise est impossible à déterminer : nombreuses espèces anaérobies, non cultivables...
bactéricide (bactéricidie) = tout mécanisme immun ou susbstance (médicament, antiseptique..) provoquant la destruction des bactéries. (définition similaire en ce qui concerne la virucidie)
bactériostatique (bactériostase) = tout mécanisme immun ou substance (médicament, antiseptique..) bloquant totalement ou partiellement la multiplication/reproduction bactérienne (les bactéries restent viables et peuvent reprendre leur croissance). (définition similaire en ce qui concerne la virostase).
cytokine = protéine impliquée dans la communication des cellules immunocompétentes (entre elles et avec le système neuro-hormonal) : la communication s'effectue entre une cellule productrice de la cytokine et une cellule réceptrice exprimant le récepteur correspondant, à des doses de l'ordre du pg-ng. La communication peut concerner des cellules contigües (communication paracrine) ou s'effectuer à distance (passage sanguin : communication endocrine).
On connait plus de 140 cytokines, regroupées en famille selon leur fonctions ou le type de cellules productrices. La plupart des cytokines agissent sur la prolifération, le métabolisme, la mobilité (fig4 : vidéo chimiotactisme) ou la différenciation cellulaire; quelques nes ont des effets cytotoxiques. Il existe une très forte régulation de cette communication, car la production de cytokines aussi bien que l'expression des récepteurs sont contrôlés en fonction de l'activité cellulaire.
fièvre (=pyrexie) = Élévation de la température centrale du corps au-dessus des valeurs physiologiques normales, accompagnée de troubles neuro-végétatifs et comportementaux (sueurs, frissons, anorexie, apathie, malaise..). La fièvre est causée par des cytokines "pyrogènes" qui agissent sur l'hypothalamus; ces cytokines "pyrogènes" sont produites par les cellules immunocompétentes dans les tissus agressés en réponse à la reconnaissance de "signaux de danger" (principales cytokines pyrogènes : IL1, IL6, TNF-alpha).
La fièvre a un effet microbiostatique (bactéries et virus) en modifiant l'activité cellulaire et le métabolisme. Cependant, les fièvres élevées ou prolongées sont nocives pour l'organisme (troubles métaboliques et cardio-vasculaires, convulsions, avortement..). (fig5 : mise en évidence du passage plasmatique de cytokines pyrogènes induites localement par des facteurs bactériens)
Il ne faut pas confondre les notions de « fièvre » et d'« hyperthermie ». La fièvre est causée par un décalage à la hausse du thermostat hypothalamique, alors que l'hyperthermie est causée par l'incapacité d'adapter sa régulation thermique à un environnement chaud ou à un travail musculaire intense.
inflammation

= ensemble de troubles tissulaires en réponse à une agression, caractérisé par les signes suivants : rougeur (rubor), chaleur (calor), douleur (dolor), tuméfaction (tumor) (fig6 : principe général de l'inflammation) . L'inflammation a pour rôle principal de rejetter les éléments étrangers au tissu (échardes, infections..) à la fois par l'apport de sang (effet de "rinçage, apport de cellules immunocompétentes) et par l'activation des cellules immunocompétentes tissulaires.
Les facteurs activateurs de l'inflammation sont des "signaux de danger" auxquels réagissent les cellules immunocompétentes tissulaires (cf immun1-01). Au cours de l'inflammation sont produits de très nombreux médiateurs : cytokines "pro-inflammatoires", , enzymes, histamine, kinines, "protéines de la phase aigûe de l'inflammation=PAI".. (cf cours de physiologie, biochimie et  médecine  : on peut mesurer dans le plasma la production des cytokines et des protéines de la phase aigue de l’inflammation par ELISA ou electrophorèse) (fig7 : principales protéines plasmatiques mises en évidence au cours de la phase aigüe de l'inflammation).
On distingue ainsi de nombreux types d'inflammation (en particulier aigüe et chronique).
Une inflammation prolongée/sévère est néfaste car elle perturbe le fonctionnement tissulaire et peut entrainer des séquelles importantes.
Les principaux troubles sont locaux, mais parfois aussi généraux  :
- Les troubles tissulaires sont liés principalement à la modification de l'irriguation tissulaire et à la pénétration du tissu par des cellules immuno-compétentes activées.
- les troubles généraux sont liés à la production de cytokines "pro-inflammatoires" qui modifient le métabolisme général et peuvent aussi entrainer de la fièvre (principales cytokines proinflammatoires qui sont qqf aussi pyrogènes : IL1, IL6, IL8, IL11, IL12, TGF-beta, TNFs, IFNs..).

phagocytose = mécanisme de destruction des bactéries (et de petites cellules) par des cellules "phagocytaires" (=phagocytes) capables d'ingérer et de digérer des particules dans des vacuoles contenant des molécules cytolytiques (fig7 : video phagocytose, fig9 : phagocytose bactérienne). Ce mécanisme très efficace et peu nocif pour l'organisme est naturel dans les tissus ("voirie"); il peut être fortement amplifié par des cytokines et des éléments de la réponse immune, qui recrutent les cellules phagocytaires et augmentent leurs capacités phagocytaires.
2 types de cellules peuvent phagocyter des micro-organismes :
- les neutrophiles (phagocytose bactérienne surtout ) fig5 : chimiotactisme vers un site inflammé)
- les cellules du groupe des monocytes-macrophages (bactéries, protozoaires, levures, petites cellules).
Certaines bactéries et parasites sont capables de résister à la phagocytose (en particulier les bactéries capsulées ou produisant des leucotoxines détruisant les phagocytes) : le pus résulte d'une phagocytose bactérienne inefficace (accumulation de débris de nécrose cellulaire, de bactéries et de neutrophiles); on parle de bactéries "pyogènes".
interférons = groupe hétérogène de cytokines impliquées dans le contrôle de l'activité cellulaire. Les interférons de type I ont un effet virostatique important dès le début de l'infection : ils limitent transitoirement la propagation de l'infection virale dans les tissus (mécanisme d'interférence virale). (fig10 : principe d'action des interferons de type1, fig11 : activité immédiate des interférons durant l'infection, tableau3 : interférons)

schémas et figures

11bbronches2 3 4 5 6 7 8 910 1112PAI

tableaux

tab1 : les 2 types de barrières de l'immunité non spécifique

barrières immunes non spécifiques permanentes mécanismes tissulaires anti-microbiens et anti-parasitaires qui existent même en l'absence d'agression, qui assurent le contrôle de la flore commensale, et forment une première ligne de défense. L'organisme possède de très nombreuses barrières qui limitent en permanence la colonisation microbienne des surfaces. On peut citer comme exemples :
- renouvellement constant de la peau et des muqueuses (desquamation des couches épithéliales extérieures) (surface développée de l'homme : environ 3m2 de peau et 400m2 de muqueuses!)
- flux aériens (respiration); ciliature bronchique (remontée des particules inhalées) et  flux liquides (miction, éjection du lait, larmes..) et rythmicité de l'activité excrétoire (bol alimentaire, mictions..)
- sécrétion de mucus (épithéliums), et de substances antimicrobiennes (tous tissus.) : sang, salive, larmes, lait, sécrétions des conduits génito-urinaires.. Propriété protectrice des tissus (anti-dessication, anti-O2..) et anti-microbienne (lysozyme..)
- caractéristiques tissulaires défavorables aux bactéries (en particulier le pH acide de l'estomac détruit plus de 90% des bactéries ingérées)
- contrôle de la flore commensale de surface, ± développée dans les différents territoires de l’organisme. Cette flore contribue à la protection contre les µorganimes pathogènes (mécanismes d'écologie microbienne : compétition, équilibres de flore..)
- cellules phagocytaires dans les tissus (et macrophages des alvéoles pulmonaires)
Barrières immunes non spécifiques inductibles  : mécanismes anti-microbiens et anti-parasitaires mis en place en cas d'agression tissulaire.

Ces mécanismes réagissent à des "signaux de danger" (cf cours immun1-01, tab2), qui sont des molécules d'origine microbiennes, ou issues des lésions cellulaires. Les cellules immuno-compétentes tissulaires expriment des récepteurs membranaires (les "Toll-like Receptors"= TLRs), capables de réagir à une grande variété de signaux de danger.


Ces mécanismes sont en grande partie responsable des symptômes des infections (en plus des symptômes directement dus aux microbes tels que les effets des toxines).
locales (tissulaires) : chaque tissu possède des défenses propres. cellulaires : sécrétion de molécules à activité anti-microbienne (interférons, enzymes..), augmentation de l'activité et de la mobilité des phagocytes, des mastocytes et des cellules dendritiques (sous l'influence directe des signaux de danger, ou par l'intermédiaire des cytokines pro-inflammatoires et du complément).
physiques (mécanisme nerveux par stimulation des fibres nerveuses locales) : modifications de la physiologie sécrétoire et motrice visant à évacuer l'agent agresseur (prurit, éternuement, toux, spasme, pleurs, ptyalisme, vomissement, diarrhée..)
Barrières générales (systémique) : production de cytokines diffusibles qui donnent des effets locaux et généraux fièvre : activation de l'hypothamalus par des cytokines pyrogènes provenant des tissus lésés.
APR (Acute phase reaction of Inflammation) : synthèse par le foie, sous l'influence des cytokines pro-inflammatoires d'un ensemble d'environ 20 protéines = "protéines de la phase aigüe de l'inflammation" libérées dasns le plasma et actives dans les tissus (activités : anti-microbienne, régulatrice de la coagulation et réparatrice des tissus) (fig7 : principales protéines plasmatiques de l'APR) et fig12 : protéines de la PAI).
activation du système du complément (voie alterne) : Le système du complément est un ensemble de protéines plasmatiques impliquées dans les défenses locales tissulaires. Ces protéines exercent leurs fonctions une fois clivée en présence d'activateurs.
inflammation dans les tissus lésés phase vasculaire (immédiate) :
- augmentation de la perméabilité vasculaire et de l'irrigation tissulaire : oedème (et exsudation de liquides : rhinite, diarrhée..), rougeur/chaleur, douleur (par compression des fibres nerveuses..)
- troubles de la coagulation (formation de micro-caillots..)
phase cellulaire (tardive : après quelques heures) : pénétration de cellules immunocompétentes dans les tissus lésés
- altération de la physiologie du tissu atteint
- lésions et remaniements tissulaires (nécrose, fibrose..)
Une anomalie dans l'un des mécanismes entraine une augmentation de la susceptibilité aux infections

tableau 2 : principales caractéristiques de la flore commensale

Il y a 10x plus de bactéries que de cellules dans un organisme ! On dénombre plus de 200 espèces bactériennes et protozoaires différentes dans la flore commensale des vertébrés. La plupart sont difficiles à cultiver (anaérobies) et peu connues, mais la contamination d'un prélèvement par la flore commensale compromet le diagnostic des infections.

Acquisition de la flore commensale par colonisation rapide du nouveau-né (en 48h après la naissance) à partir des voies génitales et de la peau de la mère (et un peu à partir de l'environnement : risque d'infections néonatales). La flore reste ensuite globalement stable (quelques modifications au moment du sevrage et en fonction de l'alimentation).

La flore commensale contribue à la physiologie digestive (digestion, synthèse de vitamines..) et à la protection antimicrobienne.
Des déséquilibres de la flore peuvent être à l'origine de troubles :
- augmentation du risque d'infection par des agents opportunistes ou pathogènes en cas de réduction brutale de la flore (lors d'un mauvais usage des antibiotiques..)
- dysfonctionnements digestifs en cas de fermentation excessive (erreurs d'alimentation, arrêt de la motricité digestive..) : production de gaz, acidose..

peau
++
bouche
+++
estomac
+/- (sauf ruminants : flore cellulolytique des pré-estomacs +++)
intestin grêle
+/++
gros intestin
++++
voies respiratoires supérieures (avant le larynx)
+++
bronches
-/+
voies génitales et urinaires basses (vagin..)
+++
voies urinaires hautes et vessie
-
mamelle
+/-
conjonctive et oreille externe
+/++
sang, muscles, cerveau, os et organes internes (poumons, foie, rein, uterus..)
-

tableau3 : les interférons

type 1 (thermorésistant)
type 2 (thermosensible)
autres
IFN-alpha
IFN-beta
IFN-gamma
IFN tau, omega..
cellules productrices
cellules dendritiques, macrophages et lymphocytes
fibroblastes et cellules épitheliales
lymphocytes T stimulés par l'antigène
régulation de l'activité/prolifération cellulaire dans les tissus producteurs (trophoblaste..)
agent inducteur
signaux de danger exogènes
acide nucléique étranger dans le cytoplasme (viral)
réponse spécifique à l'antigène
cellules sensibles (exprimant un récepteur)
pratiquement toutes les cellules (récepteur ubiquiste)
lymphocytes, macrophages..
fonctions principales
action anti-virale transitoire
(les cellules bloquent la synthèse ARN cytoplasmique) : protection des cellules adjacentes dans un tissu infecté par une virus
régulation de l'immunité

élements d'application et de raisonnement

- détailler et commenter les voies d'entrée des micro-organismes pathogènes (superficie des muqueuses..). En quoi la flore commensale peut-elle gêner le diagnostic d'une infection?
- Qu'est ce qu'une infection suppurée? quels sont les micro-organismes responsables d'infections suppurées?
- En quoi les conditions d'hébergement et l'alimentation des animaux sont elles déterminantes pour le bon fonctionnement des barrières (analyser des exemples de facteurs nocifs pour les barrières immunes naturelles : poussières, plaies et micro-traumatismes, NH3, carences..).
- peut-on utiliser les interférons pour prévenir et traiter les infections des animaux?
- citer des causes à la fièvre. Doit-on combattre la fièvre? même question pour l'inflammation

Il existe de très nombreux mécanismes anti-microbiens et anti-parasitaires de l'immunité non spécifique, permanents ou inductibles, mais la plupart n'ont qu'un effet microbiostatique. Un grand nombre des symptômes durant les infections sont liés non seulement à l'action néfaste des micro-organismes, mais aussi aux réactions de défense immunes, et en particulier aux mécanismes non spécifiques inductibles (fièvre, toux..). Le traitement symptomatique des infections doit tenir compte du fait qu'il réduit les capacités de défense propres (attention à l'usage abusif des anti-tussifs, anti-diarrhéiques..).
La flore commensale est un système complexe et encore mal connu. Un individu normal adulte héberge souvent des micro-organismes opportunistes au sein de la flore des muqueuses; il peut même être "porteur sain" de germes pathogènes vis-à-vis desquels il a acquis une immunité. Ce portage peut créer des sources d'infection pour des individus plus fragiles (nouveaux-nés, immunodéprimés..).
Tout trouble (ou toute action médicale ou erreur zootechnique) qui altère les barrières non spécifiques ou diminue leur fonctionnement est un facteur favorisant des infections, par les agents pathogènes ou même par les agents opportunistes (ex : infection urinaire si incontinence, infection cutanée d'une plaie, infection pulmonaire après inhalation d'un gaz irritant..). La qualité de la flore commensale est également un facteur important de l'immunité (mais sa maitrise est difficile).
L'immunité non spécifique et l'immunité spécifique sont étroitement imbriquées : la réponse spécifique ne s'enclenche efficacement qu'en relai des mécanismes inductibles grace aux cytokines qui interviennent dans les 2 types de réponse, qui sont produites par les tissus atteints. La guérison intervient en général par la diminution de l'immunité non spécifique (inflammation, fièvre..) au profit de la réponse spécifique. L'acquisition, après un épisode clinique, d'une immunité spécifique efficace assure une protection durable et asymptomatique vis-à-vis des rechutes et réinfections.
un matériel bio-compatible (prothèse, implant..) est prévu de façon à ne créer aucune réaction de l'immunité non spécifique car :
- il est stérile (pas de micro-organisme) et ne contient pas de molécules pyrogènes (endotoxines d'origine bactérienne..)
- il présente une surface inerte et inaltérable : il ne libère pas de particules ou de molécules susceptibles d'activer les récepteurs des cellules immunocompétentes; il ne libère pas de molécules susceptibles de se combiner à des protéines de l'organisme

références et cours disponibles

Fièvre et inflammation : module S8"physiopathologie" et cours d'"anatomie-pathologie" interférons : cours de virologie

pour en savoir plus :
"stress cellulaire, inflammation et cicatrisation" chapitre 14 de Immunologie, JP Revillard/ASSIM
- TLRs et reconnaissance microbienne : http ://en.wikipedia.org/wiki/Toll-like_receptor

page réalisée par le Dr Delphine Grézel, VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon, le 1/02/13 . Merci pour les corrections, commentaires et suggestions (delphine.grezel@vetagro-sup.fr)