"Le rapport que nous entretenons avec les agents pathogènes fait partie du drame permanent de l’évolution biologique... D’un côté il y a l’homme, de l’autre côté les microbes. Rien ne nous permet de dire avec certitude que nous sortirons victorieux de ce combat." Joshua Lederberg, prix Nobel 1958, Microbiologie
" the idea that the body is a set of ecosystems and the realisation that good science involves quantitation have stayed with me from those early days" Peter Doherty, vétérinaire, Prix Nobel 1996, Immunologie
- Prix Nobel et grandes découvertes en immunologie: site d'Immunologie Médicale Dr Anne Decoster (http://anne.decoster.free.fr/immuno/ispe/ispe.htm)
accueil | immun 01-01 : Organisation générale de l'immunité; organes lymphoïdes |
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objectifs pédagogiques (*)------------------courte Présentation du cours immun01 YouTube--------------------- |
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- définir l'immunité et identifier ses cibles ; utiliser les termes décrivant les principales modalités d'infection - définir et décrire les principales notions de l'immunité générale - décrire les principales structures et acteurs de l'immunité (organes lymphoïdes, populations cellulaires immunocompétentes, anticorps..) - lister et décrire les principales caractéristiques des organes lymphoïdes I et II - décrire les principaux organes lymphoïdes (localisation, structure, rôle..) et les principes de la circulation des cellules immuno-compétentes (circulation sanguine et lymphatique, mobilité dans les tissus) (cf cours anatomie et histologie, cf immun1-16) |
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définitions générales - messages |
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immunité | = Propriété que possède un organisme de se défendre contre un agent pathogène (protection vis à vis d'une agression). Le système immunitaire est l'ensemble des organes et tissus, cellules et mécanismes impliqués dans l'immunité. Le rôle principal de l'immunité est de lutter contre les agents infectieux et les parasites, mais le système immunitaire contrôle également l'intégrité générale de l'organisme (destruction des cellules tumorales, rejet des greffes, contrôle de la relation foeto-maternelle..). (tab1)(fig1 : rôles de l'immunité) |
immunité non spécifique (ou naturelle, ou innée) | = Ensemble des mécanismes de défense tissulaires contre les infections et les agressions de toute nature (fig2 : distinction entre immunité naturelle et spécifique). L'immunité naturelle ne possède pas de mémoire ni de spécificité (même action en réponse à toute stimulation); la plupart des réactions s'installent rapidement (qqs mins) et disparaissent avec la fin de l'agression. Chaque tissu possède des barrières et des moyens de défense propres (toux, pH..); il existe également des mécanismes généraux (fièvre, inflammation..) qui sont initiés à partir du tissu atteint, et qui sont destinés à empêcher la propagation du processus infectieux. On distingue des mécanismes permanents (activité antimicrobienne intrinsèque des tissus), et des mécanismes inductibles (mis en place dès le début d'une agression : fièvre, éternuement..). (cf tab1 cours immun1-02) L'immunité non spécifique s'active en réponse à des "signaux de danger" perçus par des récepteurs sur des cellules tissulaires telles que les macrophages... (tab2) |
immunité spécifique (ou acquise, ou adaptative) | = Ensemble des mécanismes de défense impliquant le système lymphoïde (les lymphocytes), qui sont mis en place en réponse à un ou plusieurs antigènes (fig2: distinction entre immunité naturelle et spécifique). La reconnaissance spécifique s'appuie sur 3 principes: - diversité des lymphocytes (répertoire lymphocytaire) capables de répondre à la diversité des antigènes (fig3 : diversité clonale et prolifération spécifique), - dynamique clonale: seuls le(s) clone(s) lymphocytaire(s) spécifique(s) de l'antigène en cause, prolifèrent et agissent (production d'anticorps et/ou de cytokines..) (fig4 : principe de la production d'anticorps en réponse à l'antigène), - mémoire: la réponse immune spécifique est amplifiée et modifiée au cours des stimulations par un même antigène grace à des processus de prolifération et de différenciation des clones lymphocytaires répondeurs. L'immunité spécifique existe chez les vertébrés uniquement, et fonctionne le plus souvent en complémentarité de l'immunité non spécifique ; l'immunité non spécifique (grâce à la production de facteurs activateurs lors des mécanismes inductibles) contribue à la mise en route de l'immunité spécifique. La plupart des réactions spécifiques s'installent progressivement (qqs jours) et durablement (plusieurs mois, voire années). |
spécificité et reconnaissance spécifique | = Caractère sélectif de la réaction entre deux éléments, notamment entre l'antigène et l'anticorps correspondant, ou entre l'antigène et le lymphocyte sensibilisé vis-à-vis de cet antigène (grand dictionnaire terminologique du Quebec: ici) (fig5 : "concept clé-serrure" de la reconnaissance spécifique ) |
antigène (=Ag) | = toute molécule, particule, cellule ou organisme susceptible d'être reconnu par des anticorps, ou par tout autre mécanisme de la réponse immune spécifique. La reconnaissance d'antigènes sur un micro-organisme ou une cellule permet de les désigner comme cibles des mécanismes de défense. |
système lymphoïde | = Ensemble des organes et tissus qui contiennent principalement des lymphocytes, et qui assurent l'immunité spécifique. Les organes lymphoïdes sont des structures définies d'un point de vue anatomique et histologique, mais la majorité des cellules de l'immunité sont circulantes (sang, lymphe..) et disséminées (muqueuses, peau..). (fig6 : organes et tissus lymphoïdes). On distingue des organes lymphoïdes primaires et secondaires (tab3, cf cours anatomie/histologie): - les organes lymphoïdes primaires (moelle osseuse, thymus..) sont les lieux de la production des lymphocytes : ils libèrent chaque jour des milliers de lymphocytes aux spécificités différentes, qui circulent ensuite dans les tissus et les OL secondaires, - les OL secondaires (rate, noeuds lymphatiques..) sont les lieux principaux de la réponse à l'antigène, grâce aux interactions entre les différents types de lymphocytes et avec les cellules présentatrices qui amènent les antigènes depuis les tissus. |
cellule immuno-compétente | = cellule appartenant à une population cellulaire qui participe à la réponse immune spécifique (fig7 : origine et diversité des cellules immunocompétentes) . Les principales populations cellulaires qui interviennent dans l'immunité sont les lymphocytes (B, T, NK), les granulocytes (neutrophiles, éosinophiles, basophiles, mastocytes), les cellules dendritiques et les monocytes-macrophages. Les lymphocytes sont les seules cellules capables de reconnaitre et fixer spécifiquement les antigènes, tandis que les autres cellules immunocompétentes agissent indirectement en fixant les complexes antigènes-anticorps (grâce aux RFc). |
schémas et figures |
tableaux |
tab1: les 2 types d'immunité |
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immunité non spécifique | = réponse tissulaire aux agressions; immédiate, sans mémoire. L'activation non spécifique correspond en particulier à la reconnaissance des "signaux de danger" exogènes (paroi microbienne, endotoxines..) et endogènes (protéines de choc cellulaire..) par les cellules immunocompétentes (en particulier les macrophages et cellules dendritiques tissulaires) via de nombreux récepteurs (famille de TLRs, CD14..) cf tab2. barrières de l'organisme; phagocytes et cellules de l'inflammation |
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immunité spécifique | = réponse particulière du système lymphoïde à un antigène (spécificité) ; mémoire (réponse amplifiée et modifiée au cours des stimulations par un même antigène). = immunité dépendante de lymphocytes: producteurs d'anticorps, dotés de capacités cytotoxiques et/ou activateurs des cellules immunocompétentes. Les lymphocytes sont un ensemble de clones possédant chacun un récepteur pour l'antigène différent: la réponse immune active un ou plusieurs clones qui prolifèrent et se différencient. L'immunité spécifique est caractéristique des vertébrés. 2 composantes (selon une distinction historique) coexistent dans la plupart des réponses immunes: immunités humorale et cellulaire. |
immunité humorale (humeurs= liquide biologique: sang.) : transférable d'un individu immun à un individu "naïf" par injection du sérum = anticorps Facilement analysable à partir d'un prélèvement de sérum: application au diagnostic |
immunité cellulaire: non transférable par le sérum (nécessite le transfert de cellules immunocompétentes, ce qui n'est en pratique pas réalisable entre 2 individus non histo-compatibles). Support de la protection contre les micro-organismes intracellulaires. |
tab2: principaux "signaux de danger" activant l'immunité: |
immunité non spécifique (inflammation, fièvre..) |
immunité spécifique (anticorps, lymphocytes cytotoxiques..) |
lésion tissulaire (activateurs endogènes de l'inflammation et/ou de la fièvre): entorse, brulure, plaie.. | constituants strictement cytoplasmiques (dont la libération dans l'espace intercellulaire indique une souffrance cellulaire) et produits de nécrose tissulaire: activation des récepteurs correspondants exprimés par les phagocytes et les cellules dendritiques --> inflammation locale et/ou générale ± fièvre |
normalement non activée par une lésion tissulaire (risque d'auto-immunité en cas d'activation anormale) |
modification physico-chimique dans le tissu lésé (plaie, pH, O2..): activation des fibres nerveuses tissulaires --> participation à l'inflammation locale et/ou générale |
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infection virale, bactérienne ou parasitaire | molécules microbiennes (endotoxines, peptidoglycane, sucres caractéristiques du monde microbien, ARNds..) ou parasitaires : structures typiquement microbiennes (="PAMPs"..) qui activent une batterie de récepteurs anti-microbiens/parasitaires exprimés par les phagocytes ("Toll-Receptors"=TLRs, CD14..) --> inflammation locale et/ou générale ± fièvre |
réponse spécifique des lymphocytes aux antigènes microbiens |
protéines étrangères (vaccins, produits biologiques) | normalement non activée si les protéines n'ont pas d'activité immune et sont purifiées (les vaccins en revanche contiennent des adjuvants qui sont des activateurs de l'immunité) |
réponse spécifique des lymphocytes aux antigènes |
particule ou molécule étrangère (médicament..) | normalement non activée |
généralement non activée par les molécules d'utilisation pharmaceutique (risque d'allergie ou de rejet) |
Au cours d'une infection microbienne on observe une réponse immune complexe, car des facteurs activateurs des 2 types d'immunité coexistent, et car des stimulations à la fois exogènes (molécules microbiennes) et endogènes (produits de nécrose tissulaire..) peuvent activer l'inflammation. |
tab3: principales caractéristiques des organes lymphoïdes |
organes lymphoïdes primaires |
organes lymphoïdes secondaires |
fonction | production de lymphocytes “naïfs” à partir de précurseurs -> création et renouvellement du répertoire des lymphocytes circulants |
- réponse à l’Ag: interactions entre cellules immunocompétentes (follicules lymphoïdes), production d'anticorps et de cytokines.. - collecte des éléments (antigènes, particules et cellules) issus du drainage des tissus par le système sanguin et lymphatique |
nombre | 2 (3 chez les oiseaux) |
nombreux |
liste | moelle osseuse, thymus, (+ bourse de Fabricius: oiseaux) |
rate, noeuds lymphatiques, plaques de Peyer, structures lymphoïdes associées aux muqueuses (amygdales..)... |
mise en place | embryon |
jeune |
efficacité maximale | jeune |
adulte |
conséquence de la destruction/ablation d’un organe | immunodépression sévère (infections graves, récurrentes, par des germes opportunistes) |
généralement sans conséquence grave (suppléance entre organes) |
tab4: physiopathologie infectieuse (= étude du déroulement des infections) |
Il est utile de dissocier les concepts: - infection: invasion d'un hôte par un micro-organisme qui se multiplie et se dissémine (avec une intensité très variable selon l'infection en cause). (fig: étapes d'une infection) - maladie infectieuse: manifestation clinique d'une infection (symptômes) liée aux effets nocifs du micro-organisme (toxines, nécrose ..) et aux réactions de défense immune. |
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- un micro-organisme commensal | = vit au contact d'un hôte sans provoquer d'infection (situation cutanée ou muqueuse, sans pénétration tissulaire). Plusieurs milliards de bactéries et protozoaires commensaux colonisent l'organisme et contribuent à la physiologie normale= flore commensale (digestion, synthèse de vitamines, contrôle de flore..). Le contrôle de la flore commensale est effectuée par les barrières immunes naturelles. exemple: Lactobacillus.. | |
- un micro-organisme opportuniste | = ne provoque pas d'infection chez un hôte normal, ou une infection contrôlée (le germe peut même se comporter comme un commensal, car l'immunité bloque toute traversée des muqueuses). Un hôte immunodéprimé exposé à un opportuniste contracte une infection et une maladie qui peut être mortelle. Un opportuniste peut provoquer une maladie chez un hôte normal en cas de baisse importante de l'immunité ou lors d'un franchissement accidentel des barrières immunes (plaie profonde..). exemple:Staphylococcus. | |
- un micro-organisme pathogène | = provoque une infection, et une maladie, chez un hôte normal (au moins dans le cas d'une première exposition: "hôte naïf"). L'acquisition d'une immunité protectrice peut permettre la guérison, protéger contre les rechutes et contre les réinfections pendant une période de plusieurs années après une primo-infection (mémoire immune: "hôte immun"). La gravité de la maladie et la perennité de l'infection dépendent de la virulence de l'agent infectieux et des capacités immunes de l'hôte. | |
Le "portage sain" est l'état d'un individu qui héberge une infection contrôlée par un germe opportuniste ou pathogène: le micro-organisme ne provoque pas de maladie (= infection asymptomatique) et la charge microbienne est limitée par une immunité protectrice, qui est toutefois insuffisante à éliminer totalement l'infection. Le portage survient avec certains micro-organismes et parasites (mais pas tous!); le portage peut se faire d'emblée ou suivre un épisode de maladie apparement guérie. Un porteur sain peut transmettre l'infection. |
élements d'application et de raisonnement |
La reconnaissance de l'agression se fait par 2 systèmes complémentaires: - signaux de danger : réponse non spécifique tissulaire (reconnaissance de facteurs d'agression par des récepteurs sur les cellules tissulaires (tab2)(fig8: diversité des récepteurs des phagocytes pour les structures microbiennes) - antigène : reconnaissance spécifique par les lymphocytes --> réponse immune spécifique. |
Les relations entre un hôte et un microorganisme sont extrêmement diverses et complexes : commensal, opportuniste, pathogène; primo-infection et réinfection; hôte naïf ou immun. Il n'existe pas de limites franches entre ces catégories (de nombreux germes sont identifiés comme pathogènes "mineurs" ou opportunistes). Une réponse immune efficace assure la guérison des maladies infectieuses et permet le plus souvent d'éliminer le germe responsable et de prévenir toute réinfection; dans certains cas, en particulier avec les parasites, un équilibre s'instaure qui aboutit à une infection persistante mais sous contrôle (tab4). |
La réponse spécifique comprend un ensemble de mécanismes qu'on regroupe traditionnellement en mécanismes à médiation humorale et mécanismes à médiation cellulaire. De nombreux types cellulaires participent à la réponse immune, sous le contrôle des lymphocytes et des anticorps. |
Le système immunitaire est structuré autour d'organes lymphoïdes I et II aux fonctions complémentaires; de plus , une grande partie des cellules immunocompétentes est capable de circuler dans les tissus et dans l'ensemble de l'organisme grâce au système lymphatique. |
La notion d'antigène débouche vers un grand nombre de concepts en immunologie (épitope, reconnaissance conjointe, réponse monoclonale/polyclonale..). |
Historiquement, l'immunité définit une situation privilègiée (protection vis-à-vis d'une maladie, immunité diplomatique, immunité des officiers de la Rome Antique...). |
- quelles sont les cibles de l'immunité ? Comment l'immunité se déclenche?
- un microbe est il forcément pathogène ? lister les différentes types de relations entre un micro-organisme et un hôte ? qu'est ce qu'un hôte naïf ? Les germes commensaux induisent ils en général une réponse immune spécifique?
- comment se déroule une infection ? décrire les différentes étapes d'une infection et les mécanismes de défense
- faire un schéma récapitulant les éléments principaux du système lymphoïde et leurs relations
références et cours disponibles |
Organes lymphoïdes, follicules lymphoïdes et cellules immunocompétentes: cours et TD d'anatomie et d'histologie
flore commensale, agents infectieux et parasites: cours de bactériologie , virologie, parasitologie
Le portail de l'immunologie francophone: http://www.assim.refer.org/ (cours en ligne..)
page réalisée par le Dr Delphine Grézel, VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon, le 1/02/13 -> . Merci pour les corrections, commentaires et suggestions (delphine.grezel@vetagro-sup.fr)