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immun 1-14: Anticorps monoclonaux, antisérums et réponse immune polyclonale

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objectifs pédagogiques (*)

- décrire le principe d'obtention d'un anticorps monoclonal, et ses domaines d'utilisation
- comparer les capacités biologiques, les avantages et inconvénients, des anticorps monoclonaux et des antisérums (cf tableau1: comparaison polyclonal-monoclonal , fig4: méthodes de production d'anticorps à visée biomédicale)

définitions générales - messages

antisérum (=immunserum) = enemble d'anticorps purifiés à partir d'un sérum, capable de reconnaitre un antigène donné. Il provient d'une réponse anticorps polyclonale typique d'un animal immunisé par un antigène donné. Très généralement la réponse anticorps est de type secondaire, de forte intensité, possédant une forte spécificité et une forte affinité.
L'antiserum est un mélange complexe d'anticorps:
- l'antigène peut en fait être un mélange d'antigènes (cas d'un micro-organisme, d'une cellule, d'un extrait cellulaire.). Chaque antigène induit une réponse anticorps qui possède une qualité et une dynamique propre.
- l'antigène peut comporter plusieurs épitopes, reconnus par des anticorps différents (d'où la formation de complexes macromoléculaires qui peuvent précipiter) (fig1: reconnaissance polyclonale polyépitopique de l'antigène par la réponse anticorps naturelle ou un antiserum)
- un même épitope peut être reconnu par plusieurs anticorps (donnant lieu à des compétitions, soit qu'ils aient la même spécificité mais des affinités différentes, soit qu'ils reconnaissent en fait des régions qui se recouvrent partiellement).
anticorps monoclonal (mAb) = anticorps produit in vitro par un hybridome B, c'est à dire une cellule formée par la fusion d'un lymphocyte B (exprimant la spécificité anticorps) avec une cellule tumorale (apportant l'immortalisation cellulaire, c'est à dire une multiplication indéfinie in vitro). La cellule tumorale utilisée est de type myélome (fig2: principe d'obtention d'un anticorps monoclonal)
Un anticorps monoclonal ne reconnait qu'un seul épitope, ce qui lui confère une très grande spécificité, au point de pouvoir distinguer entre des antigènes homologues (seuls quelques épitopes varient entre des protéines appartenant à une même famille). La qualité d'un anticorps monoclonal dépend de son affinité et de sa classe (déterminant ses fonctions biologiques). (fig2b: exemple de réactifs polyclonaux ou monoclonaux du commerce, fig2c: exemple d'application des mAbs au diagnostic par immunohistochimie)
Les anticorps monoclonaux sont produits chez la souris, chez qui on dispose de lignées tumorales qui produisent des hybridomes stables.
sérothérapie = utilisation thérapeutique ou prophylactique d'anticorps (cf immun2-09):
- pour prévenir ou traiter une maladie infectieuse (anticorps neutralisants des toxines..), en complément ou non d'un traitement antibiotique: sérum anti-tétanique, anti-rabique..
- pour soigner un déficit ou un déréglement de l'immunité: anticorps anti-TNF, pool d'Ig normales..
- pour détruire des cellules tumorales ou préparer une transplantation
- pour pallier à un déficit transitoire de l'immunité du nouveau né (administration de colostrum..).
IgY = équivalent des IgG chez les oiseaux
IgG(T) = sous-classe d'IgG, obtenue en grande quantité chez des chevaux hyperimmunisés, qui possède des propriétés neutralisantes et précipitantes très élevées (d'où leur grande efficacité biologique). La dénomination vient du fait qu'elles ont été découvertes chez des chevaux producteurs d'immunserum anti-tétaniques. Elles ont été récemment reclassées en IgG3.
immunisation = exposition contrôlée d'un individu à un antigène donné (par exemple par injection de doses connues, à des dates connues), de façon à stimuler efficacement la réponse immune spécifique. La vaccination est une technique d'immunisation destinée à provoquer une réponse immune protectrice à long terme (cf immun2-09).
L'hyperimmunisation est une technique d'immunisation particulièrement efficace, pratiquée chez les animaux producteurs d'antiserum (fig3: méthode usuelle d'obtention d'un antisérum chez le lapin)

schémas et figures

1 2 34 2b 2c 4a 4b

tableaux

tableau 1: comparaison

réponse polyclonale (antisérum)
anticorps monoclonal (mAb)
commentaires
spécificité
un antigène donné (plusieurs épitopes reconnus)
un antigène donné reconnu par un seul épitope (spécificité très étroite si cet épitope est caractéristique)
la qualité de l'antigène (pureté..) et la qualité de l'immunisation conditionnent la qualité des anticorps obtenus
nature
mélange d'anticorps
un seul anticorps
affinité
généralement élevée
variable (critère de qualité du mAb)
fonctions biologiques
toutes les fonctions (neutralisation, précipitation, activation cellulaire..)
variable selon la classe produite par l'hybridome (critère de qualité du mAb); précipitation impossible
espèce productrice
espèce d'intérêt (on utilise souvent le lapin, le mouton, le cheval ou la poule)
souris
difficulté d'utilisation hétérospécifique
production obtention
par immunisation répétée chez l'animal, en prélevant le sérum au pic de la réponse secondaire
par culture in vitro d'un hybridome obtenu à partir d'une souris immunisée (cf schéma)
environ 6 semaines pour produire un antisérum, et 6 mois pour produire et sélectionner un mAb
variabilité des lots très grande:
- chaque animal immunisé répond différemment
- la réponse anticorps évolue dans le temps (la réponse à J8 et à J12 n'est pas la même)
très faible: caractérisation très précise de l'anticorps (production in vitro très homogène).
Les hybridomes peuvent être conservés pendant des années dans l'N2 liquide.
les applications pharmaceutiques et industrielles des mAbs sont nombreuses
inconvénient
- l'immunisation de nombreux animaux est nécessaire pour fournir de grandes quantités d'anticorps.
- chaque immunisation utilise un lot d'antigène
- certains hybridomes posent des difficultés de culture (instables, exigeants en culture..).
- problème éthique lié à la production "en ascites".
avantage
simplicité

- faible quantité d'antigène nécessaire (pour l'immunisation de la souris donneuse)
- qualité de production (stabilité d'un lot à l'autre, pureté..)
possibilité de travailler sur les gènes produisant ce mAb (synthèse d'anticorps "humanisés"..)

le choix de l'un ou l'autre procédé dépend de nombreux critères (quantité d'anticorps nécessaire, qualité des anticorps, disponibilité de l'antigène..)
utilisations principales
- la plupart des anticorps à visée thérapeutique (nécessité de reproduire les fonctions biologiques d'une réponse polyclonale; production possible dans l'espèce cible..)
- études immunologiques ponctuelles et simples
- cas particulier des anticorps de poule
- recherche fondamentale (spécificité fine)
- applications diagnostic et industrielles très nombreuses (réactifs, chromatographie d'affinité..)
- quelques anticorps à visée thérapeutique (anti-TNF..)

élements d'application et de raisonnement

La technique des hybridomes (Kohler Milstein et Jerne, Prix Nobel 1975) fournit des outils immunologiques extrêmement puissants : les anticorps monoclonaux sont très utilisés en recherche et en diagnostic. Les anticorps monoclonaux sont en particulier utilisés pour l'identification cellulaire (CD). Toutefois cette technique est principalement possible chez la souris (d'où l'utilisation extensive de cet animal par les immunologistes) ; la limite des anticorps monoclonaux réside dans la difficulté de l'utilisation hétérospécifique, en raison des variations interspécifiques des Ig.
Les Ig de poule sont une nouvelle approche pour obtenir des anticorps de qualité :
- les oiseaux sont capables de produire des anticorps de forte affinité contre des antigènes qui sont trop conservés chez les mammifères pour être immunogènes
- le transfert des IgY (principales Ig des oiseaux) dans l'oeuf est un mécanisme comparable au transfert colostral: des quantités d'Ig très importantes peuvent être produites par une poule pondeuse immunisée (10-20 fois plus que dans le sérum de lapin). Des techniques de purification ont été adaptées pour récuperer les IgY à partir du jaune d'oeuf.
La culture des lymphocytes in vitro a été fortement développée pour les besoins de la recherche :
- les lymphocytes B ont une durée de vie très réduite in vitro (quelques jours). La transformation par fusion cellulaire avec des cellules tumorales de myelome permet de les immortaliser sans perdre leur capacité de production d'anticorps. La souris est l'animal de choix en raison de la disponibilité d'un myelome capable de fusionner facilement et HGPRT-/- (permettant une sélection rapide des hybridomes dans une culture cellulaire qui contient surtout des cellules myélomateuses: la cellule non fusionnée est incapable de survivre dans un milieu "HAT", tandis que l'hybridome possède le métabolisme HGPRT apporté par le lymphocyte B).
- les lymphocytes T peuvent survivre et proliférer pendant plusieurs mois en culture à condition d'être stimulés à la fois, régulièrement, par l'antigène et par un "cocktail" de cytokines (= culture de "clones T"). La disponibilité actuellle de ces cytokines sous forme recombinante a considérablement facilité la culture lymphocytaire.
La production d'anticorps (antisérums ou anticorps monoclonaux) pour les applications biomédicales est considérable (réactifs de diagnostic, purification d'antigènes, sérums antitétaniques et antivenimeux, anticorps anticancéreux et pro-greffes..), et les techniques évoluent sans cesse.
La technologie monoclonale permet de disposer pour un même antigène de plusieurs anticorps reconnaissant des épitopes différents, ce qui est un atout considérable:
- pour créer des outils de diagnostic (tests de capture d'antigène avec un mAb fixé sur le support et un 2ème mAb conjugué)
- pour de nombreux objectifs de recherche, par exemple pour identifier les épitopes support d'anticorps neutralisants (immunité anti-infectieuse) ou pour comparer des antigènes fortement conservés.

L'immunotechnologie a explosé ces dix dernières années :
- Les premières manipulations des anticorps ont permis la fabrication de conjugués (fixation covante d'une molécule d'intérêt sur un anticorps), utilisés pour le diagnostic (ELISA, IF, RIA, immunochromatographie..) ou pour l'immunomarquage, ou pour la fabrication d'immunotoxines anti-tumorales.
- Ensuite, l'objectif a été de produire des anticorps thérapeutiques utilisables chez l'homme sans rejet, voire même des anticorps humains sans immunisation de volontaires. Pour cela, de nombreuses approches ont été effectuées, soit à partir de souris "humanisées" (souris immunodéficientes gréffées avec des précurseurs de cellules immunes humaines), soit par génie génétique en combinant in vitro les gènes constants des IgG humains (C-gamma) avec les gènes VDJ correspondant à un anticorps spécifique isolés à partir d'un clone B produit par une souris immunisée. Il existe même depuis peu des souris transgéniques exprimant le gène constant C-gamma humain (et produisant donc des anticorps IgG"humains" !) (fig4a: principe d'humanisation d'un mAb: exemple d'un anticorps anti-TNF pour le traitement des chocs septiques de l'homme, fig4b: exemples d'utilisation des mAbs en cancérologie).
- Actuellement, la recherche s'oriente sur l'identification de la séquence codant pour le paratope de l'anticorps, afin d'en extrapoler la synthèse de peptides qui auraient des capacités similaires (par exemple bloquer l'invasion virale).

- pourquoi utilise t'on préférentiellement des anticorps monoclonaux dans les tests de diagnostic ? cas particulier des techniques ELISA par compétition ?
- quels sont les problèmes liés à l'utilisation hétérospécifique des Ig? quels sont les moyens de diminuer ces problèmes?

références et cours disponibles

pour en savoir plus :
- mAbs en thérapeutique: http://www.sfi-immunologie.com.fr/intranet/annuaire/fic/actualites/Article.pdf
- anticorps de poule: http://www.gallusimmunotech.com/igy/polyclonal-antibodies-advantage.htm
- anticorps humanisés : http://www.edk.fr/reserve/print/e-docs/00/00/08/3E/document_article.md

page réalisée par le Dr Delphine Grézel, VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon, le 3/04/12 . Merci pour les corrections, commentaires et suggestions (delphine.grezel@vetagro-sup.fr)