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Immun2-10: Déficits immunitaires: diagnostic et conduite à tenir; immunité et gestation

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objectifs pédagogiques (*)

- faire le diagnostic et évaluer la sévérité d'un déficit de l'immunité (types de déficit: immun2-09)
- décrire l'influence du stress et des variations endocrines sur l'immunité (cours immun2-05).
- lister les principales modalités du traitement et de prévention des déficits immuns (prévention des déficits et des infections opportunistes).

définitions générales - messages

diagnostic d'un déficit de l'immunité

Généralement, la suspicion d'un déficit de l'immunité se pose quand l'animal a été exposé à un agent d'immunodépression (infection par un virus immunosuppresseur, traitement cytotoxique..), et/ou quand l'animal présente une fragilité anormale aux infections. La rareté des déficits immuns innés fait souvent éliminer cette hypothèse dans les premiers temps du diagnostic. Cependant, il est possible de creuser le sujet en cas d'anomalies flagrantes de la numération-formule ou de l'electrophorèse plasmatique.
On considère comme fragilité anormale aux infections: des infections peu usuelles chez un individu normal (stomatite..), des infections fréquemment répétées (plus de 5 épisodes successifs), des infections rebelles ou récurrentes malgré un traitement adapté. Certaines maladies sont connues pour leur gravité chez l'immunodéprimé ou lors d'une infection du foetus si la mère n'est pas immune (toxoplasmose humaine..).
La diversité des agents infectieux rencontrés en cas d'immunodépression est considérable, car outre les agents infectieux classiques, quasiment tous les agents infectieux opportunistes peuvent causer une maladie. Il est nécessaire de préciser au laboratoire de bactériologie que le prélèvement provient d'un patient immunodéprimé pour utiliser des méthodes d'identification adaptées.

distinction entre immunodéficit et baisse passagère de l'immunité; influence du stress (cf cours immun2-05).

Un déficit immun vrai peut s'objectiver par des valeurs anormales des paramètres de l'immunité, à la différence d'une baisse passagère de l'immunité. Les déficits vrais sont heureusement moins courants que les baisses passagères de l'immunité, et il est nécessaire de rechercher leur cause pour intervenir efficacement .
La sensibilité aux infections est plus importante en cas de déficit vrai, et des infections sévères par une grande variété de germes peuvent survenir (guérison incertaine).
Une baisse passagère de l'immunité occasionne la survenue de maladies bénignes (guérison probable et rapide, même en l'absence de traitement), le plus souvent dues à la rechute d'infections dont l'individu est porteur sain (cas des herpesvirus récurrents de l'homme, des rhinites..). Les individus parasités voient également une augmentation de l'activité parasitaire dans les périodes de baisse passagère de l'immunité (excrétion d'oeufs ou d'oocystes..).
Le stress peut être à l'origine de baisse de l'immunité, voire même d'immunodéficit: cependant seuls des stress intenses et prolongés ont démontré leur nocivité, en raison d'une augmentation importante de la synthèse des corticoïdes. En revanche, l'immunité est régulée par des signaux neuro-endocrines, et les stress mineurs ont plutôt un effet activateur de l'immunité.
En médecine vétérinaire, les infections consécutives au transport des animaux de ferme sont la principale manifestation des baisses d'immunité ("shipping fever"..) car on a une combinaison entre les effets du stress, du mélange d'animaux de statuts sanitaires différents et des variations climatiques.

immunité et cycles sexuels

L'immunité subit des variations cycliques sous l'influence des hormones du métabolisme (corticoïdes) et de la reproduction.

L'iimmunité est globalement peu modifiée chez la femelle gestante et allaitante, même si des mécanismes particuliers s'exercent au niveau de l'interface foeto-maternelle:
- l'opinion publique surestime généralement l'immunodépression au cours de la gestation, car le taux d'infection n'est pas plus élevé durant cette période si les conditions de vie et d'alimentation sont adaptées. L'allaitement prolongé et/ou d'une portée nombreuse utilise beaucoup de ressources, au détriment parfois de l'immunité.
- il est clair en revanche que certaines infections bénignes de la mère, capables de traverser le placenta, peuvent provoquer de la mortalité embryonnaire ou foetale, des avortements, des malformations et des maladies néonatales sévères (ceci d'autant plus que la mère est primo-infectée, non immune, en cours de gestation: cas de la toxoplasmose humaine..).

traitement et prévention des déficits de l'immunité (tableau 1) Les déficits immuns innés sont très généralement irréversibles (sauf certains déficits d'Ig du jeune). En médecine humaine, des traitements lourds sont entrepris pour assurer la prise en charge, et si possible restaurer l'immunité, des personnes atteintes de tels déficits (déficits "primitifs"): des essais de reconstitution immune ont été entrepris avec succès pour traiter des déficits combinés sévères par greffe de cellules souches histocompatibles, et plus récemment par thérapie génétique. L'injection régulière d'Ig est utilisée "en routine" pour compenser les déficits de production des Ig. Des cytokines et facteurs de croissance sont utilisés pour traiter les neutropénies/lymphopénies.
En médecine vétérinaire, la prise en charge à long terme n'est pas possible lorsque le déficit est sévère.
Chez l'animal, la découverte d'un cas dans un élevage doit faire conduire une enquête pour écarter autant que possible les porteurs sains (hétérozygotes) de la reproduction. Ceci n'est possible que par une bonne identification des filiations, et idéalement à l'aide de tests génétiques (non disponibles actuellement en médecine vétérinaire).
Les déficits immuns acquis sont ou non réversibles selon la cause.
La suppression de la cause ou le traitement de la maladie à l'origine du déficit est bien entendu le traitement de choix lorsque cela est possible, mais le retour à une immunité normale peut être long et nécessiter un suivi. La vaccination contre les infections immunosuppressives reste le meilleur moyen de prévention (parvovirus canin, panleucopénie féline, leucose féline, maladie de Gumboro), ainsi que le dépistage des porteurs sains (FeLV, FIV, leucose bovine enzootique).
Des infections bénignes peuvent devenir mortelles chez des individus immunodéprimés: il est essentiel de protéger ces individus en limitant les contacts avec l'environnement et avec des personnes "normales" qui peuvent être porteuses saines d'un grand nombre d'infections et parasitoses (hygiène renforcée, restrictions des visites, port de tenues isolantes..). Il existe pour cela de nombreux équipements en milieu hospitalier ou dans les laboratoires de recherche ("isolateurs"..).
Le traitement de ces infections est plus ou moins facile:
- l'antibiothérapie classique peut être utilisée avec succès pour le traitement des infections bactériennes, de même que les traitements antiparasitaires ou antifongiques. Cependant, les rechutes sont fréquentes à l'arrêt du traitement en raison de la difficulté à éradiquer complètement le germe si l'immunité n'intervient pas en synergie avec le traitement. Certains germes nécessitent des posologies importantes, qui font redouter l'apparition d'effets indésirables.
- peu de médicaments sont disponibles pour le traitement des infections virales opportunistes.
L'absence d'agents infectieux contaminants est une nécessité absolue dans la production des médicaments et des vaccins, afin d'éviter une contamination des personnes sensibles. De même, toute administration de produits/tissus d'origine animale ou humaine (sang, sérum, greffe..) suit des impératifs de sécurité biologique d'autant plus drastiques que ces produits s'adressent à des patients immunodéprimés ou fragilisés, ou qui recoivent un traitement immunosuppresseur (prévention du rejet de greffe).
La vaccination d'individus immunodéprimés est impossible, voire dangereuse avec un vaccin vivant (risque de maladie vaccinale).

schémas et figures

immunité et gestation
électrophorèses plasmatiques anormales; isolateur en pression positive

tableaux

tableau 1: modalités générales du traitement des déficits de l'immunité méthodes avantages inconvénients
traitement/prévention de la cause d'un déficit acquis - vaccination contre les virus immunosuppresseurs (parvovirus, FeLV..)
- traitement de l'infection responsable de l'immunodéficience
- amélioration des conditions de vie, correction alimentaire
- correction d'un traitement inadapté (corticothérapie..)
efficace et direct (mais reprise plus ou moins rapide du fonctionnement immun normal) traitement/vaccination souvent indisponible (rétrovirus félins..)
prévention et traitement des infections opportunistes - hygiène renforcée
- antibiothérapie adaptée et rapide en cas d'infection même bénigne
- mesures d'isolement (indispensables dans le cas d'un déficit sévère)
efficace ne corrige pas le déficit mais supprime ses conséquences
suivi médical régulier Les individus immunodéprimés nécessitent un suivi médical régulier en raison du risque plus élevé de développer un certain nombre de maladies, en particulier une tumeur ou une maladie-auto-immune. Certaines pratiques nécessitent des précautions accrues (vaccination, soins dentaires..).
approches thérapeutiques chez l'homme atteint d'un déficit inné sévère traitement substitutif d'un déficit de production d'Ig:
- injection d'immunoglobulines (provenant de donneurs de la même espèce)
efficace traitement régulier à effectuer tout au long de la vie
restauration de l'immunité dans le cas d'un déficit sévère touchant les lymphocytes T et B:
- greffe de cellules souches histocompatibles pour coloniser la moelle osseuse avec des cellules normales (après destruction des cellules anormales)
- thérapie génique (insertion du gène normal dans les cellules souches)
guérison totale en cas de succès méthodes en cours de développement

élements d'application et de raisonnement

Les interactions entre l'immunité et les systèmes neuro-endocrines sont très complexes, et leur étude très difficile. Globalement, on peut dire que l'immunité est finement régulée par les corticoïdes (activée aux taux faibles et diminuée aux taux élevés), eux-mêmes sous l'influence de l'axe hypothalamus-hypophyse. L'hypothalamus et l'hypophyse adaptent le fonctionnement de l'organisme au contexte (saisons et température extérieure, activité, émotions, croissance/activité reproductrice..). L'immunité est altérée lorsque l'organisme a du mal à s'adapter (stress prolongé ou important).
Par mesure de précaution, le nouveau-né de moins d'une semaine doit être considéré comme potentiellement "immuno-incompétent": il est nécessaire de limiter l'exposition au microbisme ambiant et aux individus qui peuvent être porteurs sains d'un grand nombre de germes (restrictions de visite et de manipulation, mesures d'hygiène..).
 
 

références et cours disponibles

page réalisée par le Dr Delphine Grézel, VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon, le 5/12/11 . Merci pour les corrections, commentaires et suggestions ( delphine.grezel@vetagro-sup.fr)