accueil | Immun2-06: Hypersensibilités de type 1 en médecine vétérinaire |
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objectifs pédagogiques (*) |
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- définir l'HS1 et décrire les principaux mécanismes impliqués (cf immun3-13: tableau général des troubles de l'immunité). Décrire les principales circonstances et manifestations (manifestations cutanées, respiratoires, ou digestives; choc anaphylactique..). Donner des exemples en médecine vétérinaire (ces exemples seront approfondis dans les cours de médecine). | |
définitions générales - messages |
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hypersensibilité de type 1= hypersensibilité immédiate= HS1 ou HSI | = réponse immédiate (dans les 20 mns), excessive et inadaptée, d'un individu, à une stimulation par un antigène, liée essentiellement à des mécanismes IgE dépendants. On parle de réponse anaphylactique (="contraire de la protection"), qu'on distingue de réactions anaphylactoïdes ("ressemblant à de l'anaphylaxie", d'expression clinique similaire mais non IgE dépendantes). L'individu est dit "sensibilisé" (ou "allergique"). |
Très généralement, les symptômes s'aggravent au fur et à mesure que les contacts sont répétés, pouvant aller jusqu'à une réaction brutale sévère (choc) ou à la mise en place d'une maladie quasi-permanente en l'absence de traitement (asthme, dermatite). La quasi-totalité des HS1 guérit complètement lorsque l'allergène en cause est éliminé; en pratique il est souvent impossible d'obtenir l'éviction totale de l'allergène. |
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Les manifestations cliniques sont variables: |
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Les symptômes de l'HS1 sont principalement liés à l'activation des mastocytes/basophiles: - à la libération rapide d'histamine (et d'autres composés) lors de la dégranulation, puis dans un second temps à la sécrétion de médiateurs de l'inflammation (prostaglandines et leucotriènes, PAF, "SRS-A"= Slow Reacting Substances of Anaphylaxis"). L'histamine agit sur la musculature lisse, tandis que les autres composés modulent également la sécrétion de mucus, la perméabilité vasculaire, le chimiotactisme et la coagulation. Le tissu concerné subit de ce fait une inflammation aigüe (oedème, douleur..), de manifestation variée selon les tissus. Au niveau de la peau, l'HS1 se manifeste surtout par de l'erythème et du prurit, puis par un urticaire superficiel ou profond. - à la production si l'allergène persiste (ou en présence de lésions, par exemple de grattage) de cytokines pro-inflammatoires dans les tissus atteints (dans les heures qui suivent). Ces cytokines activent alors de nombreux types cellulaires capables de réagir aussi en présence d'IgE (monocytes, cellules endothéliales, éosinophiles..). |
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En théorie, l'HS1 est provoquée par un contact avec un allergène donné. En pratique, beaucoup d'individus manifestent progressivement une HS1 au contact de plusieurs allergènes (on parle de polysensibilisation), car ils présentent une prédisposition à produire des réponses IgE (individus atopiques). |
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allergène | =antigène provoquant une réaction d'HS1 chez un individu. Bien souvent les antigènes en cause sont reconnus de façon excessive et anormale, car ils induisent la production d'IgE en l'absence de tout signal de danger (pollens, acariens des "poussières", antigènes alimentaires..). |
En ce qui concerne les allergènes d'origine animale (responsables des "allergies aux poils d'animaux"): - les animaux peuvent provoquer chez l'homme des HS1 lors d'exposition à des phanères ou à des squames, d'autant plus que ces allergènes sont en suspension dans l'air (poils de chat et de lapin, duvets..). La sensibilisation est d'autant plus fréquente que l'allergène est en contact avec les muqueuses (conjonctive..). - les allergènes en cause sont en réalité le plus souvent des albumines qui sont présentes dans la salive et/ou dans l'urine, et qui peuvent se retrouver à cause du léchage sur la fourrure de l'animal. |
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choc anaphylactique | = syndrome sévère de défaillance cardio-vasculaire (hypovolémie-tachycardie), qui peut survenir immédiatement (ou dans les 20 minutes) lors de l'exposition d'un individu sensibilité à un allergène. La survenue d'un choc est toujours possible chez un individu sensibilisé (d'autant plus que le nombre d'expositions à l'allergène augmente). D'autres symptômes peuvent être associés: bronchospasme et oedème pulmonaire, oedème laryngé, diarrhée, urticaire.. |
diagnostic par exposition contrôlée à l'allergène | Il est possible d'obtenir une confirmation de l'HS1 et de son étiologie (allergène en cause), en confrontant le patient à l'allergène suspecté (en respectant de règles de prudence et de qualité): |
atopie | = prédisposition héréditaire à développer des troubles d'HS1 (urticaire, asthme et troubles asthmatiformes, eczéma, dermatite atopique..), c'est à dire à produire des IgE de façon anormalement élevée et rapide en réponse aux stimulations antigéniques (les IgE ne sont produites qu'en faible quantité et lors de stimulations prolongées chez des individus normaux), et/ou à présenter une réactivité anormale des mastocytes et basophiles. Différents gènes ont été mis en cause à la fois chez l'homme et l'animal (les descendants d'individus atopiques sont fréquemment atopiques), mais des facteurs environnementaux influencent également la survenue de maladies atopiques (alimentation, pollution..). L'atopie peut apparaitre très tôt, mais on observe des évolutions très différentes avec l'âge, soit vers une guérison complète soit vers une aggravation progressive des troubles (malheureusement sans en comprendre les raisons). |
désensibilisation | = protocole d'immunothérapie chez un individu allergique, spécifique (c'est à dire par immunisation avec l'allergène responsable), entrainant la diminution progressive du syndrôme d'HS1, voire sa disparition totale. L'efficacité de la désensibilisation varie beaucoup en fonction de critères cliniques (chronicité, polysensibilisation..) et en fonction de la nature de l'allergène: plusieurs protocoles ont démontré leur efficacité chez l'homme (mais chez le chien une seule étude a été réalisée en double aveugle, Willemse 1984). Le protocole comprend le plus souvent l'administration en dose croissante et durant une longue période - plusieurs mois- de l'allergène (par voie sc ou sublinguale). Cependant, l'importance de la qualité du protocole (concentration de l'allergène..) et le risque de survenue d'une réaction d'HS1 durant le traitement doit faire réserver cette méthode à une consultation médicale spécialisée. |
schémas et figures |
effets des IgE: signes cliniques (urticaire, oedème..)
mastocyte-activation-médiateurs
IDR
choc: conduite à tenir
tableaux |
tableau 1: principales caractéristiques de l'HS1 | |
phase initiale | Les conditions aboutissant à une sensibilisation ne sont pas connues (terrain atopique..). La phase initiale peut durer de 10 jours à plusieurs années. La phase initiale peut se faire de façon totalement silencieuse (pas d'IgE spécifiques dans le sang). |
phase de déclenchement | La mémoire immune (plusieurs mois) et la persistance d'IgE cytophiles expliquent que la sensibilisation peut persister plus d'un an en l'absence de contact avec l'allergène (chaque réponse pouvant être plus forte et plus durable que la précédente en cas de contact car il y a amplification de la production d'IgE). |
Il est possible à certains individus (mais pas tous) de revenir à un état normal: - de façon inexpliquée, quand différents phénomènes physiologiques modifient les équilibres immuns: le cas le plus fréquent est la disparition des HS1 du jeune au moment de la maturité sexuelle. - grâce à un protocole de désensibilisation par immunothérapie spécifique. |
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caractéristiques générales | - réaction immédiate (au plus tard dans les 20mn), se manifestant par une réponse IgE-dépendante locale (au site d'exposition à l'allergène) ou générale: les mastocytes qui possèdent déjà des IgE à leur surface (IgE-cytophiles) répondent en quelques secondes à la fixation de l'allergène. |
- réaction spécifique à un allergène défini ne possédant pas d'activité immunotoxique intrinsèque (par opposition aux réactions anaphylactoïdes). L'intensité de la réaction ne dépend pas de la dose d'allergène (un choc peut survenir chez certains individus pour une exposition <100µg, et la plupart des allergies alimentaires apparaissent à des doses <1g!). |
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- réaction individuelle tenant à la complexité des conditions nécessaires à la sensibilisation et au polymorphisme individuel de la réponse immune (certains individus développent des HS1 et d'autres non vis-à-vis d'un allergène donné) | |
- réaction évolutive (d'abord anodine, puis progressivement amplifiée en l'absence de traitement/prévention). | |
diagnostic | L'identification de l'allergène et des conditions d'exposition nécessite quelquefois une enquête approfondie, surtout chez l'homme. L'exposition contrôlée à l'allergène est la méthode la plus fiable pour confirmer l'allergie, mais elle doit être faite par une personne qualifiée. Les méthodes la plus utilisées chez l'animal sont l'injection id (microdoses!) ou l'administration de rations alimentaires "test". Le dosage des IgE spécifiques est une méthode souvent utilisée car apparemment plus sure et plus simple à mettre en oeuvre, mais moins fiable, surtout chez l'animal (elle ne confirme que les cas les plus évidents). Le dosage ne peut être fait que par un laboratoire spécialisé, en faisant attention à la fragilité des IgE dans le sérum (disparition en quelques heures à température ambiante). |
traitement | - adrénaline IM 0,01mg/kg et soins d'urgence en cas de choc anaphylactique |
prévention | - éviction de l'allergène (anti-parasitaires si DAPP..). - traitement entrepris en continu durant les périodes de risque de contact avec l'allergène (anti-histaminiques). - désensibilisation (immunothérapie spécifique par l'allergène en cause). Quelle que soit la méthode (ou la combinaison de méthodes), la prévention est souvent difficile: elle nécessite que le propriétaire de l'animal soit bien informé et méticuleux, et elle doit être maintenue durant toute la vie de l'animal. |
tableau 2: principaux allergènes chez l'animal | |
venins/arthropodes | puces (chien), simulies (cheval et vache), abeilles. DAPP= dermatite allergique par piqure de puce (un fort prurit et pas une seule puce visible!). |
aliments | très divers, et en particulier chez les carnivores: viandes, céréales, arachides, certains colorants et additifs. Ne pas confondre une "vraie" HS1 alimentaire avec une intolérance ou un autre problème (l'allergie au gluten= maladie coeliaque n'est pas une HS1). |
médicaments- dispositifs médicaux | latex, agents d'anesthésie et antalgiques, antibiotiques (beta-lactamines surtout), produits de contraste iodés, certains solutés, certains vaccins (chez l'animal, il s'agit le plus souvent d'une réaction aux protéines d'oeuf ou au thiomersal contenu dans certains vaccins; d'autres allergènes sont décrits, plus rarement). |
autres | acariens des farines, pollens de graminées, moisissures.. |
Des réactions d'HS1 peuvent compliquer certaines parasitoses, en particulier par des strongles, et provoquer des entérites sévères, des bronchospasmes ou des chocs. On peut observer ces réactions en particulier chez des animaux jeunes et fortement parasités (cas des strongyloses des jeunes ruminants). |
élements d'application et de raisonnement |
Les raisons de l'augmentation de fréquence des HS1, dans la population humaine aussi bien qu'animale, sont mal connues malgré un grand nombre de recherche sur ce sujet (hypothèse hygiéniste, diversification alimentaire précoce du nouveau-né, influence de la pollution, confinement des appartements entrainant une augmentation de l'exposition aux acariens domestiques, facteurs congénitaux..). Plusieurs études ont démontré que l'HS1 se rencontre moins fréquemment chez des enfants qui ont été nourris au sein et exposés tôt aux animaux et à la nature, que chez des enfants élevés dans une hygiène stricte avec un allaitement en biberon stérile. Cependant, les études montrent souvent des corrélations contradictoires (influence de l'exposition alimentaire précoce, de l'exposition in utero via l'exposition maternelle..). |
Il existe en fait des variations spécifiques importantes dans les réactions d'HS1: - les IgE ne sont pas en fait les seules classes d'Ig capables de provoquer de la dégranulation des basophiles et des mastocytes, et les réactions d'HS1 ne sont pas exclusivement IgE-dépendantes: on observe de ce fait des situations particulières, surtout dans certaines espèces comme le chat, le cheval et les ruminants. - les variations de la répartition et des fonctions des différents récepteurs à l'histamine (H1 et H2) expliquent les différences cliniques (choc par vasconstriction hépatique caractéristique du chien..). |
L'évitement de l'allergène est la prévention idéale des manifestations d'HS1, mais elle est souvent difficile, voire impossible. Dans la majorité des cas, l'individu doit composer de façon à réduire l'exposition (et éventuellement suivre un traitement continu): - traçabilité des incidents chez les individus (toujours penser à questionner sur un antécédent allergique avant de prescrire un médicament ou un vaccin; noter ces antécédents dans le suivi du patient..). - réduction du taux des allergènes dans les locaux (hygiène et ventilation des locaux..). - vigilance drastique sur la composition des aliments (d'où la surenchère dans les avertissements de type "peut contenir des traces de noix.."). - connaissance des réactions croisées entre allergènes de même famille (latex: contact; ficus: contact; avocat: aliment..) qui entretiennent l'HS1 chez un individu qui croit à tort effectuer une éviction correcte. - traitement continu des ectoparasitoses chez les carnivores en cas de DAPP |
Chez l'animal, de nombreux troubles cliniques sont des réactions anaphylactoïdes ou des HS1 idiopathiques (allergène non identifié), d'où le recours à un traitement symptomatique continu (dermatite atopique du chien, granulomes éosinophiliques félins..). |
Classiquement, l'HS1 correspond à une hyperproduction d'IgE et une hyperréactivité des mastocytes qui caractérise une orientation de type Th2 des lymphocytes régulateurs. De nombreux travaux de recherche sont entrepris pour caractériser les facteurs d'équilibre entre les réponses Th1 et Th2 (dans l'espoir de comprendre les facteurs de déclenchement et découvrir de nouvelles thérapeutiques). |
Les mécanismes mis en jeu lors de la désensibilisation sont encore mal connus: chez l'homme, différents arguments indiquent une modification de la réponse IgE au profit de réponse IgG4 (qui ne provoque pas de réaction d'HS1) et /ou la mise en place d'une tolérance. |
La découverte de l'HS1 par Richet et Portier s'est faite au détriment du chien Neptune, premier animal à faire un choc anaphylactique expérimental en 1902. Un groupe de chiens a été immunisé pour un essai préliminaire d'un vaccin destiné à protéger les plongeurs océanographes contre les anémones de mer urticantes: un des chiens est mort en quelques minutes après la deuxième injection! |
références et cours disponibles |
pour en savoir plus: cf cours de l'ENVL de physiologie (inflammation, histamine), pharmacie (anti-histaminiques, glucocorticoïdes) et dermatologie.
historique de la découverte de l'anaphylaxie (Richet et Portier, Prix Nobel 1913) http://nobelprize.org/medicine/laureates/1913/richet-lecture.html.
- allergie: http://www.allergique.org/; choc anaphylactique: http://www.infirmiers.com/etud/cours/urgrea/chocanaphylactique.php
- urticaire et oedème de Quincke: http://www.assim.refer.org/urtic2.htm
- dermatite atopique: http://www.weballergies.com/maladies/da.html
- diagnostic des HS1 chez le chien;
- traitement des HS1 chez le chien:
page réalisée par le Dr Delphine Grézel, VetAgro Sup, Campus Vétérinaire de Lyon, le 5/12/11 . Merci pour les corrections, commentaires et suggestions ( delphine.grezel@vetagro-sup.fr)